Création d’un Piano – Chapitre 2

Maintenant, je fabrique mon sommier, ce seront 5 plis de hêtre collés, il rentre parfaitement dans le cadre, au préalable, il a été percé pour recevoir les chevilles. La, c’est quasiment de l’horlogerie ! Aucune erreur même la plus petite soit elle, tout doit être absolument conforme au plan, c’est même lui qui me servira pour le perçage, tant pour les trous de chevilles que pour les pointes d’accroche sur le cadre en fer et également pour la distribution des pointes de chevalets.

Il faut maintenant construire un châssis de clavier, un clavier et une mécanique…….. Je fais donc plusieurs maquettes avec une seule note pour trouver quel système je dois adopter compte tenu des paramètres de réduction. Après plusieurs échecs et déconvenues (pas assez de hauteur entre le marteau et les cordes pour développer : enfoncement, échappement, rechute, attrapé, départ de l’étouffoir) Il y a cependant une valeur que je ne peux pas réduire ; c’est l’enfoncement ; il sera de 8mm .Je trouve un compromis basé sur le fonctionnement des pianos à queues Pleyel, ça fonctionne sur la maquette, donc ça doit aller, au travail !!

Barre et marteau du piano

Trois mois seront nécessaires pour finaliser le projet, chaque morceau de cet ensemble de 1800 pièces de bois, de cuir, de métal et de feutre aura été fait à la main. Je n’en vois plus la fin, je passe par des moments d’euphorie, de désespoir, de doutes mais je continue, je veux savoir si oui ou non je suis capable de construire un piano de A à Z.

Le vrai problème est que je ne le saurais qu’à la fin, quant tout sera en place, réglé, accordé. Dans la majorité des métiers ; on avance et on voit le résultat se dessiner, prendre forme, la, c’est le néant, les choses se font, s’assemblent mais on ne sait rien ! Le cadre va-t-il résister ? N’ai-je pas vu trop juste dans le choix des sections d’acier, le sommier va-t-il tenir, la table sonne t’elle, ai-je fait le bon choix du bois ? Et surtout, pourra t’on le jouer et faire de la Musique ? Car le véritable enjeu ; c’est ça « faire de la Musique » Mon rêve, jouer une sonate de Mozart sur ce piano, une seul fois ! Il ne me reste que quatre mois avant le jour J

C’est court, trop court ! Je dors peu et travaille beaucoup, je suis à cran, rien n’a plus aucune importance, ce piano est devenu une vraie obsession.

Les premiers essais de résonnances ont lieu ; j’ai tendu quelques cordes dans tous les registres de bas en haut. Les chevilles réagissent plutôt pas mal dans le sommier, elles n’accrochent pas, ne » crantent » pas et semblent tenir correctement, j’accorde à 440hertz .Evidemment, le son produit par « pinçage » n’est pas celui produit par le choc du marteau, néanmoins la tenue du son est très correcte, j’obtiens dans le médium une durée d’environ 45secondes jusqu’à l’extinction complète. Je crois reconnaitre dans ce que j’entends «  des sons de Pianoforte », ne nous avançons pas !! Je poursuis donc le montage en cordes, cela se passe assez bien, les intervalles sont réguliers et le  cadre bien que subissant quelques déformations prévisibles se comporte correctement ; toutefois, je suis obligé de prévoir des tirants sur les barres de renfort. Je détends donc l’ensemble et perce ces dernières en leur milieux, ce sera 3 vis qui seront ajoutées à tirer dans les poutres du barrage. Nouvel essai ; cette fois ci, les barres ne flambent pas ! Je mets donc toutes les cordes, cela se passe bien ; j’ai donc une « harpe »qui sonne .L’extrême aigu est plutôt « aigrelet » mais compte tenu de la longueur des cordes, je ne pourrais peut être pas obtenir beaucoup mieux ! Néanmoins, j’essaie d’autres diamètres de cordes, les résultats sont assez médiocres, peut être faut t’il se faire une raison…….En dernier recours, je fais un essai avec des cordes anciennes ; Ah, c’est mieux ! Adopté !

Maintenant c’est au tour des étouffoirs ainsi que la commande aux pieds de la nuance « forte » délicat les étouffoirs !!! Dans ce métier ,le fonctionnement du système d’arrêt du son est toujours un travail « coton » donc , je me prépare à des grands moments de solitude………..Pour la forme que je vais leur donner , compte tenu du style de l’instrument ;ils seront « en chapeaux de gendarmes » mais en moins prononcé . Le poids, la est le vrai soucis, pour éteindre le son , compte tenu de leurs tailles ;ils devront être assez lourds sans avoir trop d’incidence sur le « touché » ;en effet, c’est le bout de la touche qui entraine l’étouffoir vers le haut pour libérer les cordes, puis il doit retomber naturellement de son propre poids sitôt la touche lâchée. Ceux que je construis sont naturellement très légers et n’étouffent pas correctement, je leste donc chaque tige d’un plomb de 5grammes ; trop faible ! 10grammes ; ça fonctionne. S’en suit la fabrication des guides, tunnels et barre de « forte » c’est chaud ! J’ai l’impression que ma main est soudée aux pinces « avant arrière  et « gauche droite » ! Tout est tellement petit !